Les toutes premières poupées régionales datent, semble-t-il, des années 1830-50 et étaient faites en papier maché. Cependant, dès la production des premières poupées de biscuit en France, des documents attestent l'existence de celles-ci, habillées en costume folklorique régional. Ainsi, au 19ème siècle, on proposait des poupées régionales aussi bien dans les magasins de poupées français de province que dans les grands magasins de Paris. C'était d'ailleurs un marché devenu international, resté très actif jusqu'aux environs de 1890 où il a, alors, commencé à baisser. C'est de cette époque que datent les plus importantes collections de poupées en costumes régionaux. Parmi les plus célèbres, citons celle de Madame Marin-Guelliote toujours conservée, je crois, au Musée de Guéret, celle de la duchesse de Rohan conservée au chateau de Josselin, et celle de Mademoiselle Marie Koenig, appelée d'emblée " Musée des Poupées". C'est en effet à ce moment-là que cette dernière a lancé les expositions de poupées en costumes locaux et que fut créé ce que l'on appela "Le Musée Pédagogique " (1890).
Pour situer l'oeuvre de Marie Koenig, Inspectrice générale de l'enseignement, il faut rappeler la naissance de l'instruction publique gratuite et obligatoire à laquelle sont attachés les noms de Victor Duruy et Jules Ferry, entre autres.
Appuyée sur le réseau des enseignants de France et des colonies, elle n'eut de cesse de recueillir des poupées habillées dans les différentes régions françaises. S'occupant de travaux manuels pour les écoles féminines, elle exposa d'abord, à l'Exposition Universelle de 1889, au Palais de l'Industrie, dans une section intitulée " Les arts de la Femme ", des ouvrages provenant de diverses écoles, ainsi que des poupées.
Puis elle installa en 1890 une exposition permanente de ces objets dans les locaux mêmes de l'Ecole normale d'institutrices maternelles, rue Gay-Lussac à Paris. Ensuite, elle exposa à Lyon en 1894, à Rouen en 1896,..... même à Chicago à l'Exposition Internationale de 1893 !
Enfin à l'exposition universelle de 1900 à Paris où cette présentation obtint une Médaille d'or !)"
En février 1905, Mademoiselle Marie Koenig obtint même un arrêté ministériel demandant aux enseignants de faire confectionner des poupées par leurs élèves dans le cadre de leurs travaux de couture. Marie Koenig fut lauréat de l'Institut, ce qui à l'époque ( et même encore maintenant...n'est pas chose courante pour une femme....)"
Le succès fut immense et les poupées affluèrent de tous les coins de France et des colonies. Elles étaient réalisées tantôt par les élèves elles-mêmes, tantôt par les institutrices, ou les directrices! ! ! ! et même par les inspecteurs ! "
Les poupées arrivaient toutes avec des fiches détaillées sur l'histoire, les usages ou les activités locales, les noms des différentes pièces de vêtements, anecdotes ou légendes sur le costume confectionné étant souvent donnés dans le langage local en usage. Les poupées régionales les plus populaires et aussi les plus nombreuses étaient les petites bretonnes et les petites alsaciennes, suivies des provençales. Elles étaient aussi les héroïnes de diverses légendes populaires, comme Mélusine (Poitou), Sainte-Énimie (Lozère), Rose la beurrière (Artois), la petite Fadette (Berry), etc...
La mode et aussi l'engouement pour ses poupées s'expliquent par le développement des voies de communication- notamment du chemin de fer -et de ce que nous appelons aujourd'hui le tourisme.
Les déplacements se faisaient de plus en plus fréquents et si les parisiens qui arrivaient en provinece étaient surpris et séduits par la mode locale, il n'en allait pas de même des habitants de ces régions qui très vite évoluèrent vers une mise plus mode et donc plus " urbaine ".
MMMMMMLe danger pour ces régions françaises de perdre leur identité et une large part de leurs habitudes, usages et coutumes ancestraux apparut très vite.
Ainsi le grand poète provençal Frédéric Mistral s'attacha-t-il très vite à la création du superbe Musée Arlaten qui vit le jour en 1899, en Arles donc ,comme son nom l' indique. Celui-ci avait d'ailleurs déjà publié une longue et belle étude sur l'histoire et l'évolution de la coiffe......justement arlésienne dès 1884.
MMMMMMMarie Koenig publia deux ouvrages pour présenter ces notes dans un but à la fois instructif, patriotique et moral, rapportant de nombreux faits intéressants sur le plan ethnographique notamment. Ces poupées et leur documentation sont maintenant au Musée National des des Arts et Traditions Populaires de Paris (dont le déménagement est prévu d'ailleurs.....)
Voilà pour l'historique de cette collection unique restée dans les annales de toute étude sérieuse sur la poupée. Rappelons qu'en 1909, cette collection comptait 460 exemplaires ! ( historiques, paysannes, coloniales, étrangères ). Mais les belles poupées anciennes en habits régionaux sont rares aujourd'hui . Elles ont souvent été victimes des enfants, ou des collectionneurs eux-mêmes, qui ont oté ces vêtements pour parer leurs bébés et poupées des vêtements plus sophistiqués de la ville. Ce qui est très dommageable pour la riche histoire de ces costumes, tant pour leur beauté que pour leur fabrication souvent très élaborée Et d'ailleurs, qIl y en avait toutes sortes bien sûr, mais parmi elles, il y avait aussi ce qu'il est convenu d'appelé de belles, de très belles poupées.
Ainsi une vente aux enchères Thériaults eut lieu le 9 janvier 2000 aux Etats-Unis.
Les poupées vendues, plus de cent ! , en étaient, paraît-il, de merveilleux exemples bien préservés. Parmi elles, une Jumeau en costume du Finistère vendue $ 5000 contre une estimation de 3000/ 4000; une Simon & Halbig moule 1159, au corps Jumeau, en costume des Hautes-Pyrénées, estimée $ 1500/2000 partit, elle, à $ 3100 ! .
Une Gautier taille 16", des années 1870 environ, en costume breton, entièrement d'origine, estimée $ 3.000/4.000 faisant $ 4.400, une poupée Gautier de 1890 environ, taille 13" en costume du Poitou, entièrement d'origine ,étiquetée et dans sa boite .........etc.
Cette vente aux enchères avait d'ailleurs été précédée d'une conférence très précise sur l'Histoire des costumes français régionaux donnée par Mademoiselle Anne Tricaud , Conservateur de Patrimoine au Musée National des Arts et Traditions Populaires de Paris, où se trouvent encore bon nombre des poupées de Marie Koenig.
Cette même vente avait également donné lieu à l'édition d'un très beau livre relié, avec photographies couleurs de toutes ces poupées, livre utile à tous, collectionneurs de poupées ou intéressés sur le plan ethnique.
Terminant cette étude succinte, j'ai voulu privilégier pour les visiteurs les illustrations et donc les merveilleuses poupées que l'on découvre au fil des pages de ce merveilleux ouvrage de Mademoiselle Marie Koenig.
je vous souhaite de le trouver un jour...
Ce ne sera pas facile mais vous y prendrez tant de plaisir et y trouverez un tel émerveillement que je vous souhaite la chance de le rencontrer !
Mais je vous laisse admirer ces superbes gravures.....
POUPEE DE LA MARTINIQUE
par Mademoiselle Marie Koenig
Extrait de son second ouvrage " Musée de Poupées "
Edité par Hachette et Compagnie en 1909 :
« Cette belle poupée fut habillée dans une des écoles primaires de Saint-Pierre de la Martinique, au printemps de l'année 1901. Elle ne devait rappeler que des souvenirs ensoleillés, et les bons rires des petites filles qui travaillaient si gaîment pour le Muséee de poupées de la capitale.
Avec quelle joie on lui avait mis sur sa jolie tête noire, le fichu plat qui forme bandeau sur le front, et qui est surmonté de la pointe appelée " provocation "........
De toutes petites rieuses avaient eu l'honneur de découper, avec des ciseaux mignons, les dents du volant soyeux de la belle robe couleur du soleil levant ; d'autres plus habiles, l'avaient froncé et fixé à la jupe. Chacune avait fait quelque chose : un point ici, un point là. On avait été très fières de coudre l'attache du jupon de mousseline, de passer , autour du cou de l'élégante poupée, le riche collier d'or que vous pouvez voir. L'institutrice, cependant, s'était réservé le soin de tourner autour des tempes ces bouffants de cheveux, sortes de pompons qui donnent à la coiffure de la femme martiniquaise uine grande originalité.
Oh ! comme une fois parée, on avait regardé la jolie poupée, alors qu'elle était placée au milieu d'une feuille de papier blanc, sur le bureau de la maîtresse..........
On avait gentiment dit adieu à la poupée, on lui avait donné un nom gracieux, celui de Joséphine, si chère à la Martinique. Les fillettes avaient chanté autour d'elle une ronde rythmée pleine d'entrain :
" Comme nous voudrions partir avec toi, petite jolie poupée avaient murmuré quelques petites filles ... .Tu diras bonjour à toutes les poupées du Musée avaient été les derniers mots prononcés par une fillette de six ans tout à fait drolette. " »